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Mar 8, 2023 | 2 la x photographie, Concerts, France, Grand-Est, Interview, Laura Cavelius, Lorraine, Moselle, Sonia Degliame-Freitas, YUTZ | 0 commentaires

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Concert et interview de Stephan Eicher à Yutz

CONCERT > STEPHAN EICHER > INTERVIEW

A Yutz, 700 spectateurs ont déjeuné en paix avec Stephan Eicher

Le chanteur et musicien Stephan Eicher a présenté à Yutz son dernier et 16ème album « Ode ». Ce jeudi 2 mars 2023, au travers de sa tournée baptisée « Et voilà Tour », 700 personnes ont applaudi l’artiste sur la scène de l’Amphy. Après avoir foulé les planches du théâtre de Thionville en début de semaine, c’est à Yutz, durant environ 2 heures, qu’il a interprété ses nouvelles chansons. Outre la France qu’il sillonne actuellement dans des petites salles permettant l’intimité et la proximité, sa tournée le mènera en Suisse, son pays natal. 

Descendu de son radeau, Stephan Eicher reprend la route

Durant le printemps et l’été 2021, le public avait pu voir l’artiste jouer sur un radeau constitué de planches de bois montées sur des tonneaux et caisses, un mât, une voile et des cordages. De cette structure itinérante surnommée « Le radeau des inutiles », il ne reste qu’un morceau de bois ayant servi à fabriquer sa guitare. C’est dans un décor plus sobre, mais tout autant travaillé, que cette nouvelle tournée se déroule. En effet, c’est autour d’une vaste table en bois, avec en fond de scène d’immenses malles aux trésors et une armoire, que l’on retrouve le chanteur. Il est entouré de ses trois instrumentistes (Noemi Von Fetten à la harpe, Reyn au piano et Simi Gerber à la guitare).

Durant ce spectacle, la technologie n’est pas en reste. Ainsi, durant la chanson « Combien de temps », les spectateurs ont pu redécouvrir les automates de la tournée « Stephan Eicher und die Automaten » dans les malles qui se sont ouvertes. L’artiste a aussi, à sa façon, proposé de la magie pour rendre cette soirée encore plus féérique . 

Un concert intimiste à Yutz

Face à un public chaleureux, Stephan Eicher a partagé ses émotions, mais aussi son humour avec un soupçon de dérision. En alternant les mélodies douces et les sons plus rythmés de son dernier album, le chanteur et musicien suisse a embarqué les spectateurs dans son univers musical. Dans diverses langues, il a terminé le spectacle sous les ovations du public. 

Le public, avide d’entendre ses grands succès, a notamment pu écouter une superbe version de « Déjeuner en paix », titre sorti en 1991 et de « Combien de temps » paru en 1987. 

Avant son concert, Stephan Eicher a eu la gentillesse de répondre à nos questions. 

Durant ce spectacle, le cœur de la mise en scène se situe autour d’une table, avec vos musiciens qui vous entourent. Qu’avez-vous voulu donner comme sens à cette mise en scène ? 

Cette idée m’est venue pendant la pandémie. La table représente un lieu de réunion d’une famille, d’un couple, d’amis ou de gens qui ne se connaissent pas et qui, tout d’un coup, viennent s’asseoir et demandent :« Qui êtes-vous ? ». Nous pouvons y raconter nos joies et nos tristesses. Peut-être qu’il y a une histoire d’amour qui se fait ou une séparation, des idées politiques qui s’échangent chaudement ou quelqu’un qui nous raconte une histoire pour nous plaire ou nous faire pleurer pendant que l’on mange et que l’on boit.

J’ai tout d’un coup remarqué que la table représentait ce qui nous avait été enlevé pendant la crise, sûrement pour de bonnes raisons, mais que je n’ai pas toujours comprises. Au début de la pandémie, personne ne comprenait ce qui se passait vraiment. J’étais totalement d’accord : j’ai trois trous dans le bras et j’ai chopé deux fois le virus. Mais je trouvais que la table au centre du spectacle représentait vraiment la convivialité. Au théâtre, quelqu’un m’a dit : « Jamais une table ne va marcher car cela sépare le public des musiciens ». Lorsque quelqu’un me dit non, c’est impossible, alors je réponds tout de suite :« On va faire ça ! ». Quand c’est impossible, cela m’intéresse. J’adore être assis à cette table. 

Durant la pandémie du Covid, vous avez été productif en écrivant trois albums dont le vôtre intitulé « Ode ». Qu’est-ce qui vous a particulièrement inspiré durant cette période ?  

A la base, cette période ne m’a pas du tout inspiré. Elle m’a attristé. J’ai accompagné mes parents qui étaient âgés. Avec ma mère, pendant le premier confinement, ne pas se voir pendant trois mois a été difficile. D’autant plus qu’elle avait besoin tout le temps de stimulation, parce qu’elle était atteinte de démence. C’était vraiment très difficile ! Quand elle est décédée, mon père est lui aussi décédé six semaines plus tard. J’étais dans un contexte de deuil, je ne pouvais pas travailler. Je suis alors retourné en Suisse, où nous n’étions pas du tout soutenus par l’état, notamment les artistes. Je suis responsable de 12 musiciens et techniciens qui ont une famille qui les entoure. Cela représente donc environ 40 personnes. J’ai donc dû commencer à bouffer ma retraite pour payer ce petit cirque ! 

A partir de ce moment, je me suis dit qu’il fallait prendre chaque possibilité artistique. En mars 2021, la Suisse a permis de faire des concerts, dehors, devant 15 personnes. Economiquement, c’était un désastre. Mais, c’est là que j’ai commencé à faire le « Radeau des inutiles ». J’ai construit un vrai radeau, qui a voyagé à travers la Suisse. J’ai joué dans des endroits qui n’étaient pas prévus pour la musique, dehors, masqué, séparé. Tous les 10 jours, on a dû faire des tests PCR : le budget le plus important de ce disque, ce sont les tests PCR !

Ces 12 personnes faisaient des tests le lundi et on a dû rester ensemble 10 jours. On habitait ensemble, sauf les personnes positives qui devaient être éloignées. Avec tous ces musiciens et techniciens hors pair, j’ai décidé que l’on allait faire des disques. J’ai commencé à produire en premier le disque pour Salvatore Adamo. Et, comme j’avais quelques idées de chansons, j’ai décidé de commencer à enregistrer et cela a donné « Ode ». Et cela a aussi abouti à un deuxième disque, que je n’ai pas fini, parce que, par chance, la pandémie s’est calmée un peu. 

Avez-vous toujours besoin, lors de la création de vos spectacles ou de vos albums, de créer un nouveau concept, tel le « Radeau des inutiles » lors de votre précédente tournée ? 

Mon métier, c’est de raconter des histoires, dans tous les sens : en chantant, musicalement. Je m’imagine aussi que les gens qui viennent à mes spectacles veulent qu’on leur raconte des histoires. Et, c’est important de trouver un terrain où l’histoire se passe. Le « Radeau des inutiles » était parfait pour montrer que l’on était perdu en mer.

Là, avec la table, je trouve que c’est une très jolie image pour montrer une ambiance conviviale où l’on a envie d’être ensemble avec le public. Je trouve qu’à chaque fois, il y a un vrai plaisir. D’avoir des idées comme celle-là, ce n’est pas un travail pour moi. J’ai même déjà l’idée du prochain spectacle. Je suis un peu comme un enfant qui, enfermé avec des bouts de bois et des amis, va construire un château, un enfer ou une ferme. On dit « jouer » de la musique. J’ai de la chance de pouvoir vivre comme cela. 

Vous avez quitté votre Suisse natale pour vivre en France pendant 14 ans. Que retenez-vous de ces années passées sur le sol français ? 

J’avais une grande tendresse pour ce pays. Avec l’histoire de mes parents, je suis parti en Suisse, mais je serais bien resté. Toutefois, je trouvais que les règles lors de la pandémie étaient très agressives. J’habitais en Camargue, où il y a beaucoup d’espace et la mer. C’était même interdit d’aller faire une marche sur le bord de mer. Surtout que chez moi, en mars, il n’y avait pas grand monde ! J’ai trouvé cela très oppressant.

Par exemple, l’état nous parle comme à des enfants. Cela est un peu compréhensible car l’on ne comprend pas toujours tout. Mais, l’état suisse nous parlait comme à des adolescents de 16 ou 17 ans : on est presque adulte, mais on fait encore des conneries. On nous disait : tu rentres à la maison, tu restes à la maison, mais autrement tu peux penser et réagir tout seul. En France, pendant la pandémie, je me suis senti comme un enfant de 3 ou 4 ans qu’on engueule : « A la maison ! Tu ne sors plus ! ». Cela m’a vraiment refroidi sur mon plaisir de vivre en France. 

Si j’avais pu, je serais toutefois resté, mais je trouvais cela très oppressant. 

Qu’est-ce qui vous attirait particulièrement en France à Yutz ?

Si vous vous réveillez à Zurich, à Bern ou à Genève, tout est réglé, tout est dans des normes, tout est organisé. Il n’y a donc pas de chouette hasard qui puisse arriver. En France, quand vous vous réveillez, même si ce n’est pas toujours facile,  les choses sont possibles. J’ai toujours été soutenu par la culture française. J’ai signé auprès d’une maison de disques française. Mes collaborateurs comme Philippe Djian sont français. Je me nourris de cette ouverture d’esprit. On peut dire que politiquement cela s’enferme un peu, comme partout. Mais la France me donne des possibilités que la Suisse ne m’a pas données. Je me sens le bienvenu. Si j’arrive avec une idée, en France, il y a tout d’un coup quelqu’un qui dit : c’est marrant, j’ai un théâtre. Est-ce que tu veux y jouer ? 

En France, j’ai formé une chorale. C’était un vrai plaisir. Trois amis à moi y sont encore. En France, c’est plus facile qu’en Suisse. En Suisse, c’est plus compliqué ; souvent il faut faire une association, il faut organiser  des réunions pour discuter du projet : « Non, on chante ! Merde… » 

Au fil de votre carrière, vous avez dû accumuler beaucoup de souvenirs, aussi beaux que mémorables. Si vous deviez n’en retenir qu’un, ce serait lequel ?

C’est trop triste comme question ! Je ne fonctionne pas comme cela. Il y a trop de souvenirs… Je m’imagine que cela va être ce soir. C’est toujours le prochain spectacle où j’essaye de me surpasser. J’ai beaucoup de trac. Ce n’est pas naturel de monter sur scène ! Commencer à hurler dans un microphone, ce n’est pas normal ! C’est un très bon ami, le trac, même si je ne l’aime pas. Mais il est là ! Pour me concentrer, je ferme beaucoup les yeux, comme maintenant. Et il y a un moment, pendant le spectacle où je me dis qu’il faut quand même que je regarde. Il y a, depuis 40 ans, un public qui est là et c’est quand même formidable. 

Journalistes : Sonia Degliame & Laura Cavelius

Photographie : 2 la X photographie

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